Il existe aujourd’hui beaucoup de logiciels dans le Cloud pour travailler à plusieurs sur une idée. Certaines des fonctionnalités incluent la possibilité de trier, enrichir, ou noter les idées. D’autres permettent de dessiner des liens entre les idées, de compléter par des post-it virtuels des modèles et canevas prédéfinis. Mais faire germer l’intelligence collective nécessite-t-elle un passage au tout digital ?
Les séances physiques d’intelligence collective, sous forme d’ateliers, génèrent une quantité et une qualité d’idées novatrices extrêmement intéressantes. Le ratio est au moins de 1 à 4 par rapport à des sessions équivalentes réalisées via des outils "dans le Cloud". Pourquoi, alors que les outils sont de plus en plus sophistiqués, la génération d’idées est moins bonne lorsque l’on démarre sur une solution digitale ?
Réussir à mobiliser l’intelligence collective requiert plus que le simple choix d’outils informatiques ou d’un chantier "conduite du changement" logé dans un projet de transformation digitale. Il y a 3 raisons profondes à la réussite ou à l’échec d’une telle initiative.
Un outil reste un outil
La première raison c’est l'erreur de croire que la simple mise à disposition d’un outil digital va être suffisante pour débrider l’intelligence collective. Un outil reste un outil, ce n’est qu’un moyen d’instruire et de construire. En aucun cas, il n’est suffisant pour générer la dynamique créative que l’on obtient lorsqu’un groupe de collaborateurs travaille ensemble dans un même espace physique à la résolution d’un problème.
La deuxième raison, c’est l’erreur classique de ne pas prendre en considération les dimensions culturelles et managériales de la mobilisation collective. Pourquoi se risquer à émettre des idées risquées si ma culture d’entreprise ne tolère pas l’échec ? La mobilisation de l’intelligence collective des collaborateurs requiert un changement de paradigme en termes de gestion des Ressources Humaines.
La dernière raison c’est que la source de la créativité réside dans le rapport physique que nous entretenons avec le support sur lequel nous notons les idées. Pour être efficace, ce support doit être visuel et tangible (ex : tableau blanc, paperboard, Post-it…) Pourquoi ? Parce qu’il y a un lien direct entre l’action de dessiner une idée et la réflexion itérative individuelle et collective.
L'éclairage des neurosciences
Les travaux en neurosciences de K. James (Indiana) en 2012 sur l’apprentissage de l’alphabet ont montré qu’il était préférable d’écrire ou de dessiner. Les surfaces internes du cerveau activées contribuent à l’apprentissage du processus de lecture/écriture. Ce sont les mêmes zones que nous utilisons, adultes, pour acquérir de nouvelles informations ou connaissances
Les professeurs A. Mueller (Princeton) et D. M. Oppenheimer (UCLA) ont prouvé en 2014 que face à une grande volumétrie de nouvelles informations, la prise de note manuscrite permet une meilleure compréhension qu’une prise de note digitale avec un laptop. Dans des tests de connaissance et d’assimilation post-prise de note, les étudiants ayant utilisé le traditionnel stylo/papier ont réalisés de meilleurs scores que leurs homologues "digitaux".
Dessiner, c'est dialoguer
Enfin, comme l’explique G. Goldschmidt (Israel Institute of Technology) dans son essai "The Dialectics of Sketching", il se crée un dialogue intérieur lorsque l’on dessine une idée. Nous commençons par construire une représentation visuelle de notre idée qui vient ensuite nourrir notre analyse de celle-ci et produire de nouvelles variations & itérations.
Pour faire émerger l’intelligence collective, nous avons besoin d’engager les participants dans un acte de créativité pur. L’acte physique de dessiner nos idées et le dialogue intérieur ou partagé avec le groupe est l’un des meilleurs vecteurs pour générer massivement de nouvelles idées.
Si les outils digitaux permettent un partage immédiat, un approfondissement déporté progressif et un suivi des idées, les technologies analogiques (crayon, papier, tableau blanc) sont les plus efficaces pour donner la première impulsion.
L’enjeu pour toute entreprise souhaitant capitaliser sur l’intelligence collective de ses collaborateurs, c’est de réussir la mise en place et la cohabitation d’un mode de travail collaboratif physique suivi d’une gestion des idées à l’aide de processus et d’outils digitaux pour la poursuite des échanges et la phase de maturation des idées.
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-142709-lintelligence-collective-est-elle-soluble-dans-le-digital-1172139.php?ZcdFy59zGScEczHm.99#xtor=CS1-32